UN NOUVEAU MUSEE « ROYAL »
Après le spectaculaire déplacement des momies royales de la Place Tahrir au nouveau musée de la civilisation égyptienne de Fustat, vous pouvez désormais vous y rendre et redécouvrir certains objets dans une présentation toute contemporaine et selon les codes de la nouvelle muséologie : un espace largement ouvert, une sélection très ciblée d’œuvres de différentes époques, des explications animées et sur tablette, le tout selon une mise en scène, certes encore en gestation, mais déjà pharaonique.
Avant d’accéder au musée lui-même, il vous faudra gravir un parvis en pente douce et jalonné de piliers présentant les portraits de souverains et souveraines ayant élu résidence dans le bâtiment : plusieurs Ramsès, le grand Séthi, Hatchepsout, Tiy… Et, s’il ne fait pas trop chaud, vous pourrez prolonger ce moment en vous déplaçant légèrement sur la gauche et vous imaginer dans les coulisses de studios de cinéma en découvrant quelques décors de carton-pâte ayant balisé le trajet des momies dans les rues du Caire. Effet kitch assuré !
En pénétrant dans le musée, une impression de vide se fait tout de suite sentir dans l’entrée car il n’y a strictement RIEN ! Un long et large couloir lumineux, vous attire alors comme pour vous dire : « – Oui oui avancez, c’est bien par là ! » Alors vous entrez dans ce « corridor du temps » et vous vous retrouvez devant un choix cornélien : descendre un escalier mystérieux qui traverse une rotonde où défilent les momies royales sur un écran circulaire ou bien contourner ce puits de lumière tamisée et atteindre enfin l’immense salle des trésors retrouvés ?
Si vous optez pour l’aventure, vous descendrez un escalier sobre et nu qui vous conduira à un ensemble de couloirs coudés et toujours sans décor et vous vous retrouverez face à la momie d’un premier souverain tandis qu’au mur, sur un panneau discret, vous pourrez connaître ses hauts faits et son nom usuel en hiéroglyphes. Et ainsi de suite pour les 21 autres momies, présentées tantôt seules, tantôt « accompagnées ». (Petite note pour les connaisseurs : on remarquera que les conservateurs ont bien pris soin d’éviter de placer Hatchepsout dans la même pièce que Thoumosis III … afin d’éviter de nouvelles querelles sans doute !)
Et chacun de s’extasier sur l’impressionnante, très belle et abondante chevelure de la reine Tiy, ou bien sur l’allure encore pleine de prestance et de grandeur de Séthi Ier.
Pour rejoindre le monde des vivants, vous suivrez un escalier modeste qui vous propulsera à l’époque romaine dans l’immense salle d’exposition très lumineuse. Organisée à la fois chronologiquement (de la Préhistoire au XXème siècle) et par thème, (le Nil, habitat, soins du corps, temps, religion) elle présente une sélection subtile d’objets représentatifs de chaque item. Ce qui est appréciable c’est que, contrairement à ce qui devient désormais une habitude dans beaucoup de musées que de mettre les œuvres sous vitrines, des sculptures, de bois, de bronze comme de pierre, et autres pièces, sont exposées à la vue directe du public simplement entourées d’un ruban bleu pour maintenir les visiteurs à distance. Et vous retrouverez avec joie certaines œuvres du musée de la Place Tahrir bien mises en valeur ici comme la belle statue du dieu lune Khonsou sous les traits de Toutankhamon, celle du scribe Hapi (de Karnak) ou encore celle en schiste de la déesse Hathor protégeant le pharaon Psammétique.

Statue du dieu Khonsou sous les traits de Toutankhamon, granit, 2m52, provenant du temple de Karnak (XVIIIe dynastie, règne de Toutankhamon)
Au chapitre des objets insolites on peut citer une prothèse d’orteil réalisée sur mesure, (hélas sans aucune indication du lieu de la trouvaille ni de l’époque car il manque encore beaucoup de cartels dans les vitrines) mais une tablette est posée dans l’angle de la vitrine et montre, à l’aide d’une animation en 3D, comment elle était utilisée. Un modèle de tour de briques d’époque romaine réalisé en pierre, montre un système de construction astucieux en plaçant des briques formant des vagues pour donner de la souplesse au bâtiment.
De fragiles pièces de tissu copte sont également exposées ainsi qu’une fresque provenant d’un plafond de chapelle dont le décor représente une vierge à l’enfant entourée de saints.
L’époque islamique n’est pas en reste car on retrouve de belles pièces de céramique, issues du musée de la rue Port-Saïd comme le plat circulaire au Joueur de Luth d’époque fatimide (très particulier avec son point turquoise sur le visage), un superbe minbar mamelouk et une intelligente exposition de maquette de certains immeubles du centre-ville du début du XXème siècle avec leur architecte ou leur commanditaire comme le célèbre Pacha Talaat Harb, créateur de la Banque Misr, première banque 100% égyptienne, actionnaires comme employés.
Bien d’autres trésors raffinés et subtils vous attendent et ne demandent qu’à vous étonner. Et si vous désirez méditer au bord d’une pièce d’eau, c’est possible : il vous suffira de sortir côté jardin près de l’entrée et de descendre quelques marches pour vous retrouver parmi la verdure et pour découvrir ce quartier de Fustat, autrefois délaissé mais désormais « royalement » réhabilité.
Corine Rochesson

Infos pratiques
El Fustat road, Ein Elsira, Le Caire
Ouvert tous les jours de 9h à 17h, sauf vendredi (9h-17h / 18h-21h)
(0020) 227412273
Tickets en ligne ou sur place
Tarifs :
- Parking souterrain : 30 LE (à payer au guichet sur place)
- Etrangers : 200 LE (étudiants : 100LE avec justificatif)
- Egyptiens, Arabes : 60LE (étudiants : 30 LE avec justificatif)
- Gratuité (sauf vendredi, samedi et jours fériés) pour les personnes de plus de 60 ans et les enfants de moins de 6 ans